Débarquement

Les dernières heures de la traversée avaient été calmes. Rien de particulier ne s'était passé, et Brask avait eu le temps de dessiner des esquisses du drapeau qui allait flotter au sommet de leur mât avant de se mettre à la recherche d'une crique où planquer le "Bloody Mary". Même s'il appréciait l'air marin plus que tout, il n'était pas fâché de retrouver la terre ferme: le rhum manquait sur ce rafiot.
Juste avant de se mettre à la recherche du point d'attache du navire, le capitaine avait envoyé Spatha en fond de cale afin de lui faire faire un inventaire des denrées stockées sur le navire. Même si cet ordre était louable, il voulait surtout s'assurer que l'asperge ne puisse voir où le bateau était caché afin qu'il ne puisse pas se repérer au cas où il fuirait. Il aurait également été problématique que l'information quant à la position du navire se propage à un moment ou à un autre du plan d'Alexander.
Dès que le bateau fut amarré, le Rouge et le dreadeux prirent la barque pour rejoindre le rivage. Juste avant de quitter le navire, Brask donna ses dernières directives à Spatha:

"Tu fais pas de conneries: tu restes là et tu surveilles le navire. En attendant, tu peux commencer les réparations. Mais tout d'abord, tu vas peindre notre drapeau."

Le dreadeux était calme, pour une fois. Il sorti un morceau de papier de sa poche sur lequel était gribouillé un pseudo-drapeau pirate.

"Voilà en gros l'idée, j'suis certain que t'arrives à nous pondre un truc pas mal en te donnant de la peine."

Une fois dans la barque, il adressa un dernier large sourire au passager restant sur le navire:

"Et oublies pas: tu restes à bord. Si tu voies un belle plante se pavaner sur la plage j'en ai rien à foutre, tu restes ou t'es et tu te démerdes pour la faire monter à bord si tu veux t'amuser avec. Mais essayes de pas trop t'attacher, ça m'étonnerait qu'elle quitte le bateau vivante."

Alors qu'il se tournait vers William, son visage était toujours fendu d'un sourire, mais bien plus malfaisant cette fois là. On pouvait deviner que ça le démangeait de feindre une fausse amitié avec cet énergumène. Si, et seulement si, l'avenir le voulait, ils garderait l'asperge à bord, le capitaine de déciderait peut être à réviser son jugement à son égard à ce moment là.
Puis, s'asseyant à côté de William et s'emparant d'une rame tout comme le faisait le Rouge, Brask commença à ramer et laissa la barque prendre la direction de la plage. Il s'imaginait déjà des méthodes allant de l'exotisme léger aux plus profondes douleurs qu'un esprit malsain pouvait créer pour faire payer aux fusains l'affront qu'ils avaient eu l'insouciance de commettre. Et bien qu'il était visible que son esprit travaillait s'arrache pied, il aurait été impossible de penser aux atrocité qui se déroulaient à l'intérieur.

La barque se heurta au rivage après la courte traversée depuis le navire. Les deux passagers de l'embarcation se levèrent et plantèrent un pieu dans le sable pour que la barque ne reparte pas sans aide avant de partir à la recherche d'une route. Ils ne mirent pas beaucoup de temps avant d'en trouver une et de se séparer.

"On se retrouve au navire quand on a en a fini. Ça te va ? Au pire si je trouve aucun pigeon viable je reviens pour le souper. Ce soir on a du Fusain au menu !"

"Allé Cap'tain, je te souhaite bonne chasse."

Brask sourit machinalement aux paroles de William, mais ne répondit rien d'autre qu'un signe de tête et un signe de la main avant de prendre la direction de la ville. Il savait que ce n'était pas très indiqué de tourner le dos à un personnage comme le Rouge de cette façon, mais depuis l'instant où le capitaine avait posé le pied sur l'île il s'était senti pris par une sorte de malaise. Leurs plans ne le dérangeaient aucunement, il avait lui même activement contribué à leur élaboration. C'était l'environnement et le contexte qui le gênaient: il était recherché et allait se balader dans une ville qu'il avait déjà visité une ou deux fois, il ne pourrait pas simplement se comporter comme il en avait l'habitude.

*Je devrais arriver autours des neuf heures, ils on rendez vous à quatorze heures... Bordel, ça me laisse cinq heures à tuer... Faut que je pense à trouver ce bar dès mon arrivée, j'aurais le temps de faire quelques courses après ça... On aurait bien besoin d'une carte de South Blue faut dire... J'espère qu'ils ont une sorte de marché ces bâtards...*

C'est donc les mains dans les poches et le regard fixé sur le sol juste devant lui qu'Alexander Brask Roc parcouru le chemin jusqu'à la ville de Gemeylerum. Il rumina ses pensées tout au long du parcours, évitant de se demander ce qui le mettait mal alaise. Le fait qu'il soit devenu un pirate en était la raison, c'était la première fois de sa vie qu'il était un pirate, jusque là ça c'était plutôt bien passé, mais il n'y avait pas encore eut de "couille" comme il l'aurait si bien dit.